BENIN : Sinistré du délestage
La situation est devenue chaotique depuis quelques semaines. Les autorités du ministère de l’énergie n’entendent pas nous rassurer non plus. Entreprises, particuliers, tout tournent au ralenti dans le pays et le moins qu’on puisse dire c’est que les populations sont au bord du gouffre. Entre désarroi, peines et manque de motivation, le délestage a entraîné bien des maux ces derniers jours. Des bureaux où les employés se plaignent d’avoir perdu toutes leurs provisions du fait du manque d’électricité pour faire fonctionner les refroidisseurs aux marchés où les bonnes dames n’en peuvent plus de passer des nuits chaudes en passant par les écoles où les élèves étudient difficilement avec les bougies, aucun secteur n’échappent à cette situation
Les populations abandonnées à leur sort…
Cotonou, Mardi 19 mars, 7h 55, Les travailleurs se pressent pour le bureau. Certains motivés et d’autres veulent simplement faire le travail pour lequel on leur paie un salaire. Pour les employés de certaines structures publiques, ils sont soulagés de pouvoir enfin chargés leurs téléphones portables ou ordinateurs portables dans les locaux de l’entreprise mais les autres, ils vont devoir faire face à une nouvelle coupure d’électricité sur leur lieu de travail et ce toute la journée sans qu’il n’ait été informé à l’avance par les autorités compétentes. Encore une journée sans production pour ces entreprises qui arrivent difficilement à trouver des marchés et faire tourner leurs boîtes. Ce jour-là, pendant près de 14 heures de temps, la plupart des quartiers de Cotonou étaient plongés dans le noir. Sikècodji, Ganhi,ou Akpakpa, même scénario. Pas de courant ! « Demain, si ça doit continuer, je viendrais pas travailler » me confie un responsable marketing d’une jeune entreprise. « Nous ne pouvons pas nous permettre des heures creuses pendant cette période de crise » poursuit-il. « Et puisque notre maigre budget nous permet à peine de gérer les charges habituelles, nous ne pouvons pas acquérir un groupe électrogène ». Le discours est le même partout. Le secteur privé est en souffrance au Bénin faute de distribution continue d’énergie électrique.
Il est 19h 30 mercredi, zone résidentielle. Des dizaines de groupes grondent dans les rues. La Société Béninoise d’énergie électrique n’a pas changé ses habitudes exécrables de ces derniers jours. On arrive même à se demander à 20heures quand il y a encore le courant si tout va bien dans le pays. Le délestage est devenu une règle et aucune sensibilisation n’est faite à l’endroit des populations. Quel est le planning des coupures ? Quel quartier sera plus atteint cette semaine ? Quelles sont les mesures prises au niveau de la facturation pour soulager les populations ? A l’heure où je publie ce billet, nous n’avons aucune information véritable malgré les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Une vraie supercherie.
Les marchés de groupes électrogènes grouillent de monde mais rien de concret. « Les gens ont bien envie d’acheter mais ils n’ont pas d’argent et ça fait pitié, le gouvernement doit avoir honte » me lance un vendeur de groupe exaspéré.
Comme si cela ne suffisait pas, la société nationale des eaux du Bénin (SONEB) qui a besoin de l’énergie électrique fournit par la Société Béninoise d’Energie Electrique ( SBEE) pour pomper de l’eau, a de la peine à assurer ses services. Conséquence : L’eau source de vie aussi arrive à manquer.
« J’en ai marre !», lance un tenancier de maquis. Il laisse éclater sa colère, attirant l’attention des quelques clients qui acceptent de se restaurer dans des conditions de forte chaleur.
« Le délestage nous crée d’énormes problèmes. Nos produits se déglacent et nous sommes obligés d’acheter de l’essence pour faire marcher notre groupe électrogène, ce qui représente des dépenses supplémentaires pendant cette période de mévente » confie Albert, un tenancier de Poissonnerie au quartier Cadjehoun.
« Nous n’avons plus de travail et quand on en trouve, il n’y a pas de courant pour le faire et nous subissons après la colère de nos clients qui sont prêts à nous envoyer en prison quand ils ne peuvent plus récupérer leur argent » s’indigne Fabrice, soudeur de métier.
Un étranger à peine arrivée à Cotonou se dirige vers un kiosque à côté, demande à la secrétaire des lieux de lui faire quelques photocopies et elle lui répond qu’il n’y a pas de courant.
Bienvenue à Cotonou !
Les commerçants sont donc les plus à plaindre dans cet environnement où le silence de la population devrait plutôt inquiéter les responsables politiques du pays.
Les associations de consommateurs multiplient les rencontres mais aucune conséquence. Dossier classé sans suite comme on dit chez nous ! Livrés à nous même, nous subissons et assumons seuls les conséquences aussi bien économiques que morales de cette situation déplorable.
Le bout du tunnel est encore bien loin
Lors d’un entretien sur la Télévision Nationale (ORTB), le responsable de la production de la Société Béninoise d’Energie Electrique a annoncé une coupure allant de deux à trois heures tous les jours et ce probablement jusqu’au mois de juin 2013 sur toute l’étendue du territoire nationale.
Pourtant des dizaines de milliards ont été engloutis dans ce secteur depuis 2008. Où sont les impacts de ces investissements aujourd’hui ?
Des autorités impuissantes
Pour justifier cette défaillance de la fourniture d’énergie électrique, il est bien facile pour les autorités concernés de désigner l’insuffisance de l’énergie provenant du Nigéria ou encore les perturbations du réseau de la Communauté Electrique du Bénin (CEB) comme responsables de cette situation. Et face à tout ceci, elles sont bonnement impuissantes. D’ailleurs quand la Société distributrice d’énergie électrique lance un appel d’offre pour acquérir elles-mêmes des groupes électrogènes, les conclusions sont très vite tirées.
Dans une interview sur la télévision nationale (ORTB) le ministre Barthélemy KASSA affirme sans précision que dans l’immédiat, la centrale de Maria-Gléta sera mise en service (centrale en pleine reconstruction après une importante explosion). Immédiat ne veut donc pas dire toute suite ! Il invite les médias à sensibiliser la population pour qu’elle puisse patienter un peu. Mais comment garder notre calme alors que nous sommes tous les jours frustrés et déjà au plus profond du désert, déçus et que le gouvernement en place au lieu d’assumer se contente simplement d’accuser ses prédécesseurs.
Il devrait plutôt faire preuve de bonne gouvernance en évaluant toutes les pertes du secteur privé et du secteur public dû au délestage. Ce serait déjà un bon début.
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