Monsieur le Président et Ministre de la défense!

Article : Monsieur le Président et Ministre de la défense!
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22 octobre 2012

Monsieur le Président et Ministre de la défense!

Compaoré,Ouatarra et Boni Yayi
Compaoré,Ouatarra et Boni Yayi

Qu’ont de commun Alpha Condé, Blaise Compaoré, Alassane Ouattara, et Thomas Boni Yayi ? Tous des présidents ouest africains ? Oui… Mais cherchez encore ! Tous des présidents francophones ? Oui… Mais il y a mieux : ce sont tous des présidents-ministres de la défense de leurs pays respectifs.

Ahurissant n’est-ce pas ? De plus en plus de Chefs d’Etat en Afrique de l’Ouest s’octroient désormais les fonctions de ministres de la défense malgré leur  pouvoir  de chef du gouvernement, de chef suprême des armées et de président du conseil des ministres.

Inédit…

Il y a encore quelques années les fonctions présidentielles des présidents africains étaient calquées sur celles des anciennes puissances colonisatrices, la France en l’occurrence. Mais apparemment, la donne a changé. C’était sans compter le manque de confiance et la soif de contrôle absolu des présidents ouest africains.

…Mais de plus en plus Courant!

Le président Alpha Condé a ouvert le bal en étant le premier à s’auto attribuer le très sensible ministère de la défense le 27 décembre 2010 « pour montrer à quel point il se soucie de la situation de l’armée » qui avait-il annoncé nécessite une réforme en profondeur.

Le président Blaise Compaoré fût le second  à s’auto-nommer ministre de la défense le 21 avril 2011 suite aux mutineries qui ont eu lieu au Burkina et d’autres mouvements de contestation de la plupart des couches de la société burkinabè qui avait débuté fin février. Son exemple a été suivi.

En effet, le Président Ivoirien Alassane Ouattara et son homologue du Bénin sont devenus, le 13 mars 2012 pour le premier et le 09 avril de la même année pour le second, ministres de la défense de leurs Etats respectifs  et ont créé un poste dont l’intitulé ferait rire en occident mais qui en Afrique, n’étonne plus : le ministère chargé des affaires présidentielles. Comme si le président avait autre chose à faire que de s’occuper des affaires présidentielles.

Mais pourquoi donc ?

“Pour un président de la république, occupé par mille et une choses, président de l’Union africaine(UA) par surcroît, cela paraît beaucoup. Alors donc, pourquoi Boni Yayi a-t-il choisi de prendre lui-même ce ministère stratégique alors qu’il avait la possibilité de nommer un ministre délégué charge de la défense, un ministre-lige qu’il pourra téléguider depuis la Marina (NDA : Palais de la présidence de la République)…? Est-ce comme beaucoup le disent une phobie du Chef de l’Etat de se voir arracher le pouvoir aussi facilement par des éléments de l’armée mal maîtrisés ? » se demande le quotidien béninois la Nouvelle Tribune.

Accroître son pouvoir, avoir main mise sur l’armée, prévenir un coup d’Etat… Pourquoi le font-ils ? Comment expliquer cette situation ? Et quelles en sont les conséquences ? Quelle est la lecture de la population en général et celle de la société civile en particulier ? Sur ce dossier, les questions aussi intéressantes que nombreuses, méritent d’être élucidées ; et les opinions de certains acteurs politiques comme ceux des organisations non-gouvernementales en disent long.

 Enquête…

Pour le président Condé, il s’agissait de s’occuper lui même des problèmes de l’armée qu’il voulait désormais républicaine et à la hauteur des attentes de l’Afrique toute entière. Volonté qu’il a su transformer en réalité car depuis sa prise de fonction, départ en retraite, création d’une police militaire et bientôt recensement biométrique font partie des grandes décisions prises pour reformer l’armée guinéenne. Si cette décision semble être une réussite dans le pays de Dadis Camara, qu’en est il des autres contrées?

Selon Aboubacar Maiga, un chercheur en sciences politiques, la conservation du portefeuille de la défense par le président du Faso révèle que la crise au sein de l’armée dépasse les revendications salariales ou la solidarité de corps, qui ne sont en réalité que la face émergée des différentes sorties de la soldatesque. Aussi, analyse-t-il, cette nouveauté dans la démarche du ministre-président Compaoré (médiateur dans toutes les crises sous régionales), témoigne de la priorité qu’il accorde à la gestion d’une crise qui est à la fois sociale, politique et économique.

Au pays des Éléphants, le doute subsiste. Si les menaces de coups d’Etat et la nomination de Guillaume Soro au perchoir  font partie des principales raisons de la conservation du portefeuille de la défense par le président de la république Alassane Ouatarra aujourd’hui président de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les ivoiriens en général sont plutôt sceptiques. Ils attendent toujours les preuves formelles des allégations de menaces de coups d’Etat avec leurs cortèges d’arrestations. Selon, le site ivoirien, Abidjan.net, «Tous les militaires arrêtés le sont parce que soupçonnés de participer à un projet de déstabilisation, sans la moindre espèce de preuve ».

Au Bénin, on nous parle de crise de confiance et de mesure de sureté.

En effet, un conseiller du chef de l’Etat béninois  nous répond en disant qu’il s’agit d’un « principe de précaution » et que le président de la République Boni Yayi a perdu confiance en son ministre de la défense qui tenait des discours contraires à la gouvernance souhaité par son chef. A contrario, un observateur de la vie politique béninoise affirme  plutôt « Il faut se poser la question de l’opportunité politique voire pratique d’une telle option. En dépit d’élections calamiteuses organisées en 2011, la paix ne semble pas si menacée que ça dans le pays. On peut dire qu’a priori, le pays n’est sujet à aucune crise évidente pouvant justifier ce choix du chef de l’Etat de prendre personnellement le contrôle de l’Armée. On peut, néanmoins, se demander si la conjoncture socio-politique dans la sous-région (cas du Mali) ou un souci de mimer le cas ivoirien n’ont pas guidé ce choix ».

Décision concrète ou un simple titre ?

Etre  président de la République et ministre de la défense ne peut aucunement être chose aisée dans la réalité  vu les nombreuses tâches assignées à l’un et à l’autre. Un vide s’observera certainement à un moment ou à un autre dans l’une ou l’autre des deux fonctions. “A l’occasion de manifestations militaires où le ministre de la Défense aurait pu être présent, on a vu qu’il a plutôt délégué le ministre d’Etat chargé des Affaire présidentielles qui n’est autre que l’ancien ministre de la défense. Cela montre qu’en réalité, le chef de l’Etat n’arrive pas à assumer pleinement cette fonction, ou alors, il considère qu’en tant que chef de l’Etat, il n’a pas à être à des manifestations où l’autorité supérieure attendue est le ministre. Cette attitude permet peut-être d’éviter un mélange des genres » souligne un observateur. Il est alors inéluctable que ces deux fonctions soient séparées.

Et le peuple ?

Que pense la population ? Celle qui élit le président et attend que l’armée la protège…

Si une telle décision aurait fait l’objet d’un débat houleux dans les contrées occidentales, elle n’a pas vraiment préoccupé les populations des pays concernés. Un sondage réalisé sur le réseau social Facebook nous a permis de découvrir que plus de 90 % des personnes interrogés n’étaient  même pas intéressés par la question.

Ce qui est plutôt surprenant car ce genre de décision n’est pas sans conséquences.

Le journaliste béninois Wilfried Léandre Houngbédji a bien voulu nous dire les conséquences d’une telle décision sur le plan politique, économique, militaire et sociale.

… “Sur le plan politique, sans raison claire ni explication convaincante, cette décision pourrait provoquer des craintes et des méfiances au sein des acteurs et créer, de fait, une psychose voire une ambiance de méfiance et de suspicion permanente.

Au plan économique, on peut estimer que les conséquences de l’insécurité politique dépeignent sur l’économique. Les opérateurs économiques, dès lors, ne se sentiront plus en sécurité. Peut-être même que la récente « guerre des intrants », qui vit le chef de l’Etat envoyer une escouade de militaires saisir les intrants d’un opérateur privé, en est à postériori une preuve et une illustration.

Sur le  plan social  les populations seraient en permanence dans l’expectative voire dans l’incertitude.

Au plan militaire, la décision peut apparaître comme un couteau à double tranchant. Autant la troupe peut se tenir bien droite en sachant qu’elle dépend directement du chef de l’Etat ; autant le fait que celui-ci ne puisse, en pratique, être là en temps réel, peut induire un sentiment de laisser-aller”

Armée responsable ou laxiste ?

Nous nous sommes rapprochées d’un responsable du corps pour en savoir plus.

 « Ce n’est pas du neuf, le général Mathieu Kerekou conservait bien  tous les portefeuilles importants au début de sa prise de pouvoir » nous a simplement confié le Directeur de cabinet du ministère de la défense, monsieur Semegan Cocou.

En définitive,

Le portefeuille du ministère de la défense revêt une responsabilité capitale et délicate aussi bien au niveau des obligations envers les forces de l’ordre que de la sécurité nationale. Il n’est en est pas moins pour la charge de chef d’Etat qui mérite abnégation absolue dans le sens où le président dirige la plus grande institution de la république et détient le pouvoir exécutif. Il urge alors qu’une remise en place des valeurs de la république soit faite au risque d’engendrer plus tard  un abus de  pouvoir avec des conséquences plus graves pour la Nation.  Abus de pouvoir, d’ailleurs très soulevé ses derniers jours avec les gardes à vues de plusieurs personnalités du pays!

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